Alors que les signes de ralentissement se multiplient avec la hausse des taux, une réalité persiste : le marché immobilier reste sous tension dans de nombreuses zones. Cette situation peut sembler paradoxale, mais elle s’explique par des facteurs structurels profonds qui continuent de maintenir une pression à la hausse sur les prix et une pénurie d’offre dans les secteurs les plus demandés. Décryptage des raisons pour lesquelles la tension immobilière ne se relâche pas.
Le déséquilibre historique entre l’offre et la demande
C’est la cause racine de toutes les tensions. Depuis des décennies, la construction de logements neufs n’arrive pas à combler les besoins démographiques et l’évolution des modes de vie.
Une demande structurellement forte
Plusieurs phénomènes alimentent une demande constante :
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Croissance démographique : La population française continue d’augmenter, notamment dans les métropoles et sur le littoral.
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Éclatement des ménages : On assiste à une augmentation du nombre de ménages (décohabitation, séparations, familles monoparentales), ce qui accroît le besoin en logements, même à population constante.
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Attractivité des métropoles : La concentration des emplois qualifiés et des universités dans les grandes villes maintient une pression migratoire forte sur des marchés déjà tendus.
Une offre nouvelle insuffisante
Face à cette demande, la production de logements est freinée par plusieurs facteurs :
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Rareté du foncier : Dans les centres-villes et les zones très demandées, les terrains constructibles se font rares et sont extrêmement chers.
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Lourdeur des procédures administratives : L’obtention des permis de construire et la complexité des règles d’urbanisme (PLU) peuvent retarder, voire bloquer, des projets.
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Coût de la construction : L’inflation sur les matériaux et la RE2020, bien que nécessaire, augmentent le coût du neuf, limitant sa capacité à répondre à la demande des ménages aux budgets les plus modestes.
La crise du logement abordable

Même lorsque des logements sont disponibles, leur accessibilité financière pose problème, créant une tension sur le segment des biens « abordables ».
L’écart croissant entre les prix et les revenus
Dans de nombreuses villes, les prix de l’immobilier ont augmenté bien plus vite que les revenus des ménages. Cet écart rend l’accès à la propriété de plus en plus difficile pour les primo-accédants et les classes moyennes, qui reportent leur projet et restent dans le parc locatif, augmentant ainsi la pression sur ce segment.
La concentration de la demande sur certains biens
Cette recherche d’accessibilité concentre la demande sur les petites surfaces et les biens situés en périphérie des centres-villes, maintenant des prix élevés même dans ces secteurs. Pour explorer ce sujet, cliquez ici.
L’impact de la réglementation énergétique
La transition écologique est devenue un facteur de tension majeur sur le marché de l’ancien.
La mise à l’index des passoires thermiques
Les logements énergivores (classés F et G au DPE) voient leur valeur chuter et leur mise en location être progressivement interdite. Cela a deux conséquences :
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Les investisseurs se reportent massivement sur les biens plus performants énergétiquement (classes A à D), faisant flamber leurs prix.
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Les passoires thermiques, souvent les biens les plus accessibles, disparaissent du marché locatif sans être pour autant rénovées, réduisant encore l’offre pour les ménages aux budgets limités.
La géographie de la tension : des « zones tendues » durables
La tension n’est pas uniforme. Elle se concentre dans des bassins d’emploi et des zones de vie très spécifiques.
La force de l’attractivité métropolitaine
Les métropoles régionales (Lyon, Bordeaux, Nantes, Toulouse) et la région parisienne continuent de concentrer les emplois et les services, attirant une population active qui se bat pour un nombre de logements limité. Cette tension locative se répercute directement sur les prix à l’achat.
L’effet « ciseau » sur le pouvoir d’achat
Même avec la hausse des taux, la demande potentielle reste énorme. Le problème n’est pas l’absence d’acheteurs, mais leur capacité financière. Le marché est « tendu » par le fait que de nombreux ménages souhaitent acheter dans ces zones, mais ne le peuvent pas aux prix actuels, créant une frustration et une demande latente qui maintient la pression.
une tension structurelle qui résiste à la conjoncture
La tension sur le marché immobilier est le résultat de déséquilibres profonds et durables. La hausse des taux actuelle agit comme un frein conjoncturel puissant, mais elle ne résout pas les problèmes de fond : le déficit chronique de construction et la crise de l’accessibilité financière.
À moyen terme, cette tension ne se relâchera que par une politique volontariste de construction de logements, notamment dans le segment abordable, et par une accélération massive de la rénovation énergétique du parc existant. En attendant, les zones tendues resteront des marchés porteurs, où la valeur des biens bien situés et énergétiquement performants devrait continuer à résister, voire à progresser, malgré le contexte de taux plus élevés.
